Un acte de résistance important mais méconnu à Levallois : l’action armée de Missak Manouchian

Le 8 mai est la date qui commémore celle du 8 mai 1945. Elle correspond à la capitulation de l’Allemagne et marque la fin de la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental.

La présence de la France parmi les vainqueurs est en partie dû aux forces de la France libre mais aussi à la Résistance. Le blog vous retrace une action de la Résistance en mars 1943 menée par Missak Manouchian en personne.

De l’Arménie au Panthéon

Lors de la cérémonie de l’entrée au Panthéon de Missak et de Mélinée Manouchian, le Président de la République a évoqué dans son discours le premier attentat de Missak Manouchian, le 17 mars 1943 à Levallois-Perret.

Missak Manouchian naît le 1er septembre 1906 au sein d’une famille arménienne à Adiyaman (sud de l’actuelle Turquie). Ses parents sont victimes du génocide des Arméniens perpétré par l’Empire Ottoman. Réfugié au Liban avec son frère, Missak Manouchian apprend le français et le métier de menuisier.

Ils arrivent en France, à Marseille en 1924, et à l’été 1925, ils s’installent à Paris.

Missak fréquente des militants communistes de la région parisienne, et c’est suite aux sanglants évènements du 6 février 1934 (une violente manifestation anti-parlementaire organisée par l’extrême droite), que Missak Manouchian adhère au parti communiste français et notamment au groupe arménien de la Main d’œuvre Immigrée (MOI).

Il est mobilisé en octobre 1939 sous les drapeaux, et après l’armistice du 22 juin 1940, lorsque son pays d’adoption est envahi et occupé, il fait le choix de continuer à défendre la France et de résister.

Le 17 mars 1943 à 7h45

Usines Hotchkiss de Levallois

Par un matin du 17 mars 1943, un détachement d’une trentaine de soldats allemands emprunte la rue Rivay en direction de l’usine d’armement Hotchkiss en bord de Seine. Ils viennent de leur cantonnement, l’hôtel Cayla au 16 rue Louis Blanc. Ils chantent.

À 7 heures 45 précises, selon les rapports de police, un homme en provenance de la place des Fêtes (actuelle extension du parc de la Planchette) lance une grenade sur ce détachement à l’emplacement de la cartonnerie du 52 bis rue Rivay. Le bilan est lourd.

Au début, il est question de seize soldats allemands blessés dont deux grièvement. À ceux-ci s’ajoutent deux civils français. Les soldats allemands sont évacués à l’hôpital Beaujon et l’un d’eux décède de ses blessures.

Les deux civils français sont eux transportés à l’hôpital Bichat. Une personne se trouve dans un état grave. Il s’agit d’une employée communale qui se rendait pour son service à l’école Jean-Jaurès. Elle a survécu mais en perdant l’usage de l’œil gauche.

Groupe scolaire Jean Jaurès

Cet acte de résistance est commis par trois hommes du réseau Francs-Tireurs et Partisans – Main d’Œuvre Immigrée / FTP-MOI selon un mode opératoire bien établi.

Missak Manouchian jette la grenade sur les soldats allemands avec en appui, à bonne distance, Marcel Rayman et Arsène Tchakarian (cousin de Charles Aznavourian alias Aznavour).

La plus grande confusion règne.

Le quartier est bouclé jusqu’à midi par la police française et les autorités allemandes dépêchées sur place. 

Les témoins déclarent avoir vu deux hommes s’enfuir. Le premier témoin, un inspecteur de police qui venait prendre son service, décrit un homme de 25 ans environ, vêtu d’un complet sombre, coiffé d’une casquette sombre et chaussé d’espadrilles. Il s’agit de Missak Manouchian. Trois soldats allemands le poursuivent mais en vain à proximité de la rue Lannois (aujourd’hui Maryse Hilsz). 

Le second individu est décrit comme âgé de 35 à 40 ans, petit, râblé, blond, vêtu d’un complet gris clair, nu-tête et avec une cravate bleue. Ce témoin affirme qu’il avait un pistolet à la main et qu’il était poursuivi par un allemand. Il a disparu à proximité de la station de métro Anatole France.

Les habitants de l’immeuble du 67 rue Rivay sont les premiers à être soupçonnés d’être les auteurs de cet attentat. Des soldats allemands avaient eu l’impression que des coups de feu avaient été tirés de fenêtres de cet immeuble. Ils avaient tiré sur la façade pour riposter.

Des perquisitions sont menées dans les appartements mais sans résultat. Les hommes et les femmes sont emmenés au commissariat de police, toujours rue Rivay pour contrôle. Les femmes sont remises en liberté après avoir décliné leur état-civil, mais les hommes sont conduits à la Feldgendarmerie de Neuilly-sur-Seine pour un interrogatoire.

La brigade spéciale des renseignements généraux prend part à l’enquête.

L’identité judiciaire prend des photographies et le laboratoire réalise des relevés d’éclats pour déterminer le type de grenade.

Les conséquences…

Missak Manouchian devient, en juillet 1943, responsable technique des FTP-MOI et intègre le triangle de direction. Un mois plus tard, il en devient le chef militaire pour la région parisienne.

Jusqu’à son arrestation le 16 novembre 1943 par les brigades spéciales, le groupe Manouchian réalise une soixantaine d’actions armées contre l’occupant allemand, dont l’attentat contre le Général SS Julius Ritter (nouvelle fenêtre), responsable du Service du travail Obligatoire- STO.

Un procès expéditif a lieu du 15 au 18 février 1944. La sentence de la cour martiale allemande est la condamnation à mort pour les résistants. Ils sont fusillés le 21 février 1944 dans la clairière du fort du Mont-Valérien à Suresnes.

Des photos de dix des vingt-trois prévenus sont sélectionnés pour composer une affiche de propagande allemande dénonçant leurs « crimes ». Elle est placardée sur les murs de France.

Cette affiche « rouge » (voir notre article du 21 février 2024 – nouvelle fenêtre) fera entrer ces héros dans l’Histoire.

Dans la lettre qu’il a l’autorisation d’écrire à son épouse Mélinée Manouchian (nouvelle fenêtre) depuis la prison de Fresnes, quelques heures avant son exécution et qu’il signe « Michel », Missak affirme qu’il  » meurt en soldat régulier de l’ Armée française de la Libération ».

Cet article a été documenté avec l’aide de Madame Auvinet et Monsieur Mayet de la Société historique de Levallois-Perret pour que le souvenir de la Résistance ne s’éteigne jamais.

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