Les Nations Unies ont proclamé l’année 2022 « Année Internationale du Verre », en insistant sur le rôle du verre dans les domaines scientifiques, économiques, artistiques et culturels. Si le verre est essentiel à de nombreuses technologies vitales et facilite la transition vers un monde plus durable, il participe aussi à embellir nos vies. Cette année verra de nombreuses manifestations dans 90 pays sur les 5 continents, et donc, je pouvais lui faire une petite place au sein de ce blog.
En effet, je me saisis de l’occasion pour vous retracer l’histoire d’une dynastie de verriers, qui jusqu’en 2005, avait ses ateliers à Levallois.
Qu’est-ce qu’un verrier ?
Le verrier est un métier d’art exercé par un artisan d’art ou un artiste, chargé de fabriquer ou restaurer des objets décoratifs en verre (vitrail, figurines, sculptures) ou utilitaires (arts de la table, verrerie spécifique). L’artisan travaille sur la base d’idées personnelles ou d’après des modèles (dessins, plans à échelle réduite).
Il sélectionne la matière et l’outillage, compte tenu des caractéristiques techniques des matériaux. Il transforme la matière de base par le découpage, la mise en forme, le façonnage ou l’assemblage. Parfois, l’artisan verrier décore et embellit des objets déjà réalisés.
Il travaille sur commande ou dans le cadre d’expositions-ventes. Selon son statut juridique, il peut être amené à gérer une activité professionnelle et faire de la formation, par exemple en tant que maître artisan d’un métier d’art, ou de l’encadrement de salariés. Les gestes des métiers d’Art verriers ont été inscrits à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel en France en 2019.
Le maître-verrier (vitrailliste) assemble au plomb des verres plats, colorés ou non, et parfois enrichis de motifs peints appelés grisailles. Il peut également réaliser des dalles de verre ou utiliser des méthodes de verre fusionné (fusing) associant différents verres de couleur.
L’épopée Brière
Eugène
L’aventure des ateliers Brière débute avec Eugène Brière. Il nait à Paris en 1863, et débute son apprentissage de maître vitrier dans les prestigieux ateliers Lusson. Talentueux, Eugène est nommé à seulement 18 ans à la direction des ateliers Neret.

En 1892, il s’installe à Levallois avec son épouse. Ils habitent rue du Bois (actuelle rue Jean Jaurès), et en 1896, Eugène fait des demandes de travaux pour l’installation de son futur atelier de peinture sur verre, au 124 bis rue de Courcelles (actuelle rue du Président Wilson). La famille y emménage cette même année. C’est une année décisive, puisqu’il s’installe à son compte dans cet atelier qui fonctionnera jusqu’en 2005.
Eugène participe à l’exposition universelle de 1900 où il obtient une médaille de bronze pour la décoration d’une des portes monumentales de l’entrée, réalisée par l’architecte Binet.
Avec l’atelier Appert Frères, lui aussi installé à Levallois, il met au point la fabrication des verres Tiffany, colorés dans la masse, que l’on importait jusqu’alors des États-Unis.
Lorsque Eugène Brière commence à travailler pour son compte personnel, il fait réaliser par des peintres des maquettes qu’il numérote au fur et à mesure de leur exécution afin de créer une collection de dessins, et les montrer à ses clients. Il emploie jusqu’à 18 ouvriers.
Eugène conçoit les vitraux de style art nouveau des deux coupoles du Printemps à Paris, soit 800 m² de verrerie ! Ces coupoles sont installées en 1923, et démontées en 1939 pour éviter leur destruction par les bombardements. Elles sont entreposées à Clichy, et réinstallées plus de 10 ans après la guerre. Les 4 000 éléments qui la composent (sacré puzzle) seront rassemblés et réinstallés par Michel Brière, le petit-fils. Il les restaurera en 1973 selon les plans d’origine. La façade et les coupoles de ce bâtiment ont été classés comme monument historique en 1975.



Eugène réalise des vitraux pour l’église Saint Justin en 1920. Nous lui devons les vitraux de Sainte Geneviève et Sainte Jeanne d’Arc (inspirés d’un tableau d’Ingres).
Eugène est aussi l’auteur de la grande verrière du casino de Monte-Carlo, un chef d’œuvre de la verrerie !
Artisan, artiste, mais aussi citoyen impliqué
Eugène entre au Conseil municipal par ordre de classement au tableau en 1906, suite à une importante crise politique. Suite à plusieurs rebondissements, Eugène devient successivement premier adjoint, puis Maire par intérim, et enfin adjoint d’Edmond Lamoureux jusqu’en avril 1912.
Il meurt en 1927 et laisse sa fabrique à son fils Émile. L’épopée continue…
Émile
Il nait à Levallois en 1892, et collabore avec son père dès 1910, jusqu’à son départ à la guerre. A son retour, en 1925, il participe à plusieurs concours, et donne des cours du soir de dessin à Levallois.
Michel
Michel, le fils d’Émile, lui succède à l’atelier vers 1945, tout en continuant des études de dessin. Il décore des crèches et des églises, entretient les vitraux de son grand-père à l’église Saint Justin (et créera d’autres), et rénove ceux de l’Hôtel de Ville.
Avec son père Émile, il travaille sur les vitraux de l’église de Saint-Maximin de Metz. C’est Jean Cocteau qui lui demande de créer, d’après ses dessins, les vitraux de l’église. Entre 1967 et 1970, ils créent 14 verrières.
Après avoir ré- installé et par la suite restauré les verrières des deux coupoles du printemps, il se lance dans la restauration de vitraux de châteaux.
Parmi les vitraux démontés lors de la deuxième guerre mondiale, un tiers seulement ont été remis en place (faute de moyens), les autres dorment entreposés dans des caves, sous la responsabilité des Monuments historiques.
Louis
Quatrième de la dynastie des maîtres verriers Brière, Louis prend la relève à la disparition de son père. Il travaille principalement pour des particuliers et des copropriétés, friands de vitraux.
Fin d’une belle histoire
Eugène Brière et ses successeurs ont toujours eu le souci de formation et d’approfondissement permanent. Tous les domaines, tous les styles, non seulement en France, mais aussi en Europe et en Asie les intéressent, de même que les diverses techniques artistiques. Malgré tout, comme de nombreux artisans, l’atelier Brière cesse son activité officiellement en 2005, non sans avoir marqué de leur empreinte ce métier d’art.
Le fonds de l’atelier Brière détenu aux Archives départementales des Hauts-de-Seine est conséquent. Il couvre les quatres générations successives : de 1896, date de l’ouverture de l’atelier, jusqu’à 2005. 2166 maquettes, 468 rouleaux de cartons à grandeur d’exécution, ainsi que de nombreux échantillons de verre y sont conservés. Les Archives départementales ont mis en valeur ce fonds en éditant un ouvrage très intéressant. En le cédant aux Archives départementales, la famille Brière a montré le grand souci qu’elle avait d’en entretenir la mémoire.
Aujourd’hui, le groupe Saint Gobain, continue de fabriquer des verres teintés de toutes les couleurs. Ce groupe a absorbé petit à petit beaucoup de fabricants de verre français, alors que notre pays était au début du siècle dernier passé maître dans ce domaine.
La France, pays de cathédrales, a la plus grande surface de vitraux dans le monde, soit 90 000 m² de vitraux. Ce patrimoine rend l’activité de conservation et de restauration de vitrail importante…
