Comme tous les ans depuis 1976, la première semaine de février voit s’ouvrir à Paris le Salon « Retro mobile ».
Encore aujourd’hui, s’il existe dans la mémoire collective une marque automobile qui allie luxe à la française et performances sportives, le nom de Delage vient rapidement. A l’occasion de ce prestigieux salon, je voulais vous dévoiler les débuts de la saga Delage dont l’origine est levalloisienne…
« Ne faire qu’une chose, mais bien la faire »

Derrière cette maxime se cache la devise d’un homme d’exception, qui a été au sommet de son art aux débuts de l’industrie automobile: Louis Delâge.
Il nait le 22 mars 1874 à Cognac dans un milieu modeste. Doué pour les études, il intègre l’école des Arts et Métiers d’Angers (tout comme un autre génie de l’automobile, Émile Delahaye). Il en ressort en 1893 avec un diplôme d’ingénieur et devient un « Gadzart » (ancien élève de l’école nationale des Arts et Métiers).
Une fois diplômé, il occupe différents emplois, comme dessinateur ou chef d’atelier dans différentes usines de mécanique générale. Passionné d’automobile, il crée en 1900 un bureau d’études qui travaille pour les principales marques de l’époque, et il est recruté par la société des automobiles Peugeot qui l’embauche en 1903. Il y est ingénieur chef du service des études situé à Levallois.

Là, il fait la rencontre d’un autre ingénieur des Arts et Métiers en la personne d’Augustin Legros.
Delage et Cie
Louis Delâge a 31 ans et aucune fortune financière, mais il souhaite retrouver sa liberté entrepreneuriale. Il quitte la maison Peugeot et crée, avec succès, sa propre société sous l’appellation Delage et Cie le 10 janvier 1905. Il convainc Augustin Legros de le rejoindre à la direction des études.
Les premiers ateliers sont implantés rue Chaptal, puis au 71 rue de Cormeilles (actuellement rue Anatole France) à Levallois.
En décembre 1905, lors du huitième salon de l’automobile de Paris, au Grand Palais, Louis Delâge expose sa première réalisation: un châssis Malicet et Blin, pouvant recevoir des moteurs monocylindres De Dion, et une boite de vitesse Delage (son premier brevet déposé en 1898). L’ensemble est assemblé dans un soucis de qualité et de rigueur.
Les débuts peuvent paraitre modestes avec une 36 ème place dans l’industrie française de l’automobile. En 1906, son usine levalloisienne produit 60 voitures et emploie seulement 25 personnes.
Mais Louis Delâge a une idée de génie pour faire connaitre sa marque. Il va utiliser les compétitions automobiles internationales comme moyen de promotion, en présentant au moins une voiture sur la ligne de départ. L’abondance d’articles dans la presse sportive lui assure une solide publicité, fait connaitre la marque et le fait « triompher » dans l’industrie française.
En 1906, la maison Delage et Cie se classe deuxième à la Coupe des Voiturettes.
Les années suivantes, les succès s’enchainent avec une première place au Grand Prix de Scheweningue (Pays-Bas, 1907), Au Grand Prix des Voiturettes de l’Automobile Club de France (1908), au Grand Prix de Sao Paolo (Brésil, 1909)…
Comme pressenti par Louis Delâge, le succès sportif entraine également le succès commercial de la marque. Les carnets de commande se remplissent rapidement, et la production triple en 1906 et 1907 pour atteindre 186 véhicules.
Les locaux deviennent trop petits pour répondre aux commandes. Le succès oblige l’usine à s’agrandir, et Louis Delâge déménage ses nouveaux ateliers de 4 000 m² rue Baudin, face à l’usine de chocolat Meunier.
Après les terribles inondations de la crue de 1910, Louis Delâge réfléchit à délocaliser sa production pour la protéger.
Direction Courbevoie
Louis Delâge choisit d’implanter en 1911, une nouvelle usine moderne à Courbevoie au 13 boulevard de Verdun. Néanmoins, il conserve ses locaux Levalloisiens, au cas où…
Il oriente son industrie vers la création d’automobiles Delage de prestige, tout en continuant à produire des voitures de course. La marque remporte de nombreux succès en compétition automobile, avec entre autre les Delage 2LCV ou Delage 15S8.
Delage et Cie est la première marque française à décrocher une victoire aux 500 miles d’Indianapolis (États-Unis, 1914).


L’ensemble de ses succès permet à la marque Delage d’être un exportateur important.
A la veille de la Première Guerre mondiale, la production annuelle des 770 ouvriers de la marque est estimée à 2 000 voitures.
Durant la guerre de 1914-1918, la société Delage et Cie produit des véhicules pour l’effort de guerre, mais également des obus, tout comme les usines Clément-Bayard en bord de Seine.
En 1929, sort des usines une voiture prestigieuse, silencieuse, soignée dans les moindres détails: La D8 de 23 CV, qui outre ses performances techniques, offre un choix entre trois longueurs de châssis.
Louis Delâge a créé plusieurs œuvres philanthropiques au sein de ses usines, notamment une allocation pour charge de famille, mobilisant un budget conséquent de plusieurs centaines de milliers de francs.
En outre, il assure la présidence de la société des anciens élèves des écoles nationales d’Arts et Métiers, avec pour objectif de développer et améliorer l’enseignement technique en France.
L’ensemble de ses engagements et sa contribution à la renommée française, valent à Louis Delâge d’être nommé au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur en février 1925.
A partir de 1935, la marque est associée à la société Delahaye. En effet, la Grande Dépression des années 1930 oblige Louis Delâge à fermer ses usines, et à revendre les parts de son empire industriel à son principal concurrent Delahaye, dont il devient la filiale des modèles haut de gamme (avec notamment les Delage D8-100 et D8-120). La production Delage est transférée à l’usine Delahaye dans le 13 ème arrondissement de Paris.
Louis Delâge meurt le 14 décembre 1947 dans la commune du Pecq (Yvelines).
Si la marque disparait en 1953, l’histoire ne pouvait se finir ainsi. Quelques passionnés de la marque se regroupent et fondent le 15 janvier 1956, l’Association des Amis de Delâge, et tel un phénix, la marque automobile renaît en août 2020 par l’intermédiaire de l’entrepreneur Laurent Tapie avec un modèle d’hypercar hybride, baptisé Delage D12 produite à 30 exemplaires.

Delage était réputée pour le raffinement technique de ses voitures de luxe, et pour ses résultats en compétition (Delage sport automobile), entre 1906 et 1953, soit plus de quarante-cinq années.