Si pour certain le nom « Louise Michel » n’évoque qu’une rue de Levallois, ou une station de métro, il cache en réalité une grande dame née il y a 190 ans. « Enjolras », surnommée aussi « la Vierge rouge », figure révolutionnaire et anarchiste de premier ordre dans l’imaginaire collectif, Louise Michel, femme de convictions, a vécu une existence mouvementée, parsemée de voyages forcés, de séjours en prison et d’une fin de vie levalloisienne.
Qui est-elle?
Clémence-Louise Michel, dite Louise Michel, est née le 29 mai 1830 à Vroncourt, en Haute-Marne. Elle voit le jour entre les murs du château où sa mère est femme de chambre. Il est probable que son père (déclaré inconnu) soit le fils des châtelains, que Louise considérera et appellera ses grands-parents. Cet environnement lui donne accès à une éducation qui l’aide à devenir institutrice, suite à l’obtention du brevet de capacité. Comme elle refuse de prêter serment à Napoléon III, ce qui est indispensable pour être institutrice, elle crée à 22 ans, une école libre dans un petit village de Haute-Marne, où elle enseigne pendant un an. Elle enseigne ensuite en Auvergne, puis en Normandie, avant d’atteindre Paris, où elle continue d’enseigner.
Louise dans « la Commune »
Arrivée dans la capitale, en parallèle de l’enseignement, elle y développe une importante activité littéraire et politique.
Louise entretient une correspondance assidue avec Victor Hugo, et lui adresse ses poèmes. Elle les signe sous le pseudonyme d’Enjolras qui est le nom du chef révolutionnaire dans Les misérables (nouvelle fenêtre), comme si elle s’identifiait à ce célèbre activiste de fiction.
Elle se lie avec plusieurs personnalités révolutionnaires blanquistes (nouvelle fenêtre) de Paris des années 1860, et œuvre pour l’émancipation des femmes.
En 1871, Louise prend part activement aux évènements de la Commune de Paris (nouvelle fenêtre) en première ligne, comme en soutien. Elle participe aux batailles de Clamart, Issy-les-Moulineaux, Neuilly… Sur la barricade de Clignancourt, en mai, elle participe au combat de rue dans lequel elle tire ses derniers coups de feu. Louise se rend pour libérer sa mère qui est arrêtée à sa place.
L’exil
Lors de son jugement, Louise demande à être exécutée, mais elle est condamnée au bannissement et à la déportation en Nouvelle Calédonie. Elle quitte la France le 10 août 1873, et arrive à destination après 4 mois de traversée. C’est au cours de ce voyage qu’elle fait la connaissance d’autres acteurs de la Commune, et qu’elle devient, à leur contact, anarchiste.
Elle commence à instruire les autochtones Kanaks, et prend leur défense lors de leur révolte de 1878. Louise obtient l’autorisation de reprendre son métier d’enseignante auprès des enfants de déportés, puis auprès de ceux des gardiens, et enfin, dans les écoles de filles. Elle instruit les Kanaks adultes le dimanche, en inventant une pédagogie adaptée à leurs concepts et leur expérience.
Retour en métropole sous surveillance
Graciée, Louise rentre en France au mois de novembre 1880. Elle est accueillie par la foule qui l’acclame. Louise reprend son activité d’infatigable militante, donne de nombreuses conférences, intervient dans diverses réunions politiques.
Une arrivée à Levallois, entrecoupée de nombreux séjours en prisons
Trois ans après son retour d’exil, Louise est condamnée à six ans de prison, assortis de dix années de surveillance de « haute police ». Elle est jugée pour incitation au pillage lors d’une manifestation , et affrontement avec les forces de l’ordre. Elle est finalement graciée quelques mois plus tard par Jules Grévy, Président de la République.
Un fiacre vient la chercher dans la cour de la prison pour la conduire à Levallois, au 89 de la route d’Asnières (actuelle rue Victor Hugo), chez un certain Charles Moïse. Le journal la gazette de Neuilly et de Courbevoie du 24 janvier 1886 se fait l’écho de cette nouvelle, et lui souhaite un avenir apaisé, en espérant que « désormais , elle ne paiera plus de sa liberté, son dévouement au peuple ».
Elle reste surveillée par la police sous le nom de code « femme Rochebrune », et son entourage aussi est épié. Les rapports d’information au Préfet de Police se succèdent. Chacun de ses faits et gestes est retranscrit, ce qui ne l’empêche pas de continuer à s’impliquer en politique, et de tenir des conférences. C’est lors d’un de ses exposés, en 1888 que Louise se fait tirer dessus, et reçoit une balle en pleine tête qui ne pourra être extraite.
Louise, qui a alors 60 ans, est à nouveau arrêtée en 1890. Après avoir tout cassé dans sa cellule, elle est libérée. Elle est confrontée à des difficultés financières, peine à payer son loyer, et contracte des dettes chez les commerçants de Levallois. L’agent de police n°13 rapporte que « Louise ne mange pas toujours à sa faim ». Ses amis organisent une collecte pour lui venir en aide. Elle peut compter sur le soutient d’un certain Georges Clémenceau (nouvelle fenêtre) , rencontré lorsqu’elle était institutrice à Montmartre, et lui Maire. Malgré leurs divergences politiques, ils entretenaient une amitié portée par une admiration réciproque.
Pendant les dix dernières années de sa vie, Louise Michel, devenue une grande figure révolutionnaire et anarchiste, multiplie les conférences à Paris et en province, accompagnées d’actions militantes et ce malgré sa fatigue. Toujours très surveillée par la police, elle est plusieurs fois arrêtée et emprisonnée.
Un enterrement empli de ferveur
Louise Michel, âgée de 75 ans, meurt le 09 janvier 1905 à Marseille au cours d’une conférence. Ses amis organisent ses funérailles, et le lieu de sa sépulture apparaît comme une évidence. En effet, Louise a rédigé son testament un an plus tôt, dans lequel elle demande à être enterrée aux cotés de sa mère, et à proximité de son ami Théophile Ferré (nouvelle fenêtre), probablement le grand amour de sa vie, au cimetière de Levallois.
Le 22 janvier, son inhumation déplace une très grande assistance. Les journalistes de l’époque parlent d’une foule immense qui accompagne, pendant quatre heures, le cercueil de la gare de Lyon à Levallois. D’importantes forces de police sont mobilisées par peur de débordements. Si Louis Lépine, Préfet de police de la Seine, interdit de chanter et d’arborer des drapeaux, le corbillard, tiré par deux chevaux, est recouvert d’une trentaine de couronnes, et d’un drap rouge et noir.
Le Maire de Levallois, Marius Aufan accueille la dépouille au son d’une marche funèbre. Seules trente personnes entrent dans le cimetière pour assister à la descente de cercueil dans la tombe de la mère de Louise, Marie-Anne Michel.
Ironie de l’histoire, c’est ce même jour que le peuple russe se soulève à Saint Pétersbourg. Ce dimanche sera appelé « Dimanche rouge » , car sanglant, marque le début de la révolution russe de 1905.
En 1920, le Conseil Municipal de Levallois transforme la concession trentenaire en concession perpétuelle, afin « que l’amie des déshérités repose en paix ». Aujourd’hui, l’entretien de la sépulture est assurée par la Ville.
Louise Michel demeure une figure emblématique du mouvement anarchiste et du mouvement ouvrier (nouvelle fenêtre) en général.

