Une aventurière hors pair ! (suite)

Dans notre précédent article, nous avions laissé Maryse Hilsz avec sa Légion d’Honneur et ses pyjamas… D’autres performances sont à porter à son actif.

Toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus loin !

En avril 1933, elle relie Paris à Tokyo en 15 jours et renouvelle ce parcours l’hiver suivant par mauvais temps avec un nouvel engin de prestige. Pierre Cot, alors ministre de l’air, et Jean Moulin, son chef de cabinet, mettent à sa disposition le Bréguet 27, le fameux « tout acier », afin qu’elle puisse promouvoir l’excellence de la technologie française à travers le monde, grâce à ses divers raids.

Bréguet 27

Il s’agit d’un avion prévu pour le combat, et même si pour notre aviatrice la tourelle du mitrailleur est enlevée (au profit de réservoirs d’essence supplémentaires), cette masse de trois tonnes et demie ne se manœuvre pas comme un avion de tourisme. Rapidement, Maryse en aura une maîtrise sûre, et elle s’envole pour la seconde fois à Tokyo.

C’est lors de cette deuxième visite qu’elle offre à deux geishas un baptême de l’air. Je vous laisse imaginer sa surprise lorsque les deux jeunes filles sont arrivées en costume traditionnel, avec la coiffure rituelle et volumineuse ! Maryse les trouve splendides pour un défilé, mais pas pour une promenade dans les airs. Impossible cependant de les équiper de combinaisons de cuir, elles n’ont pas le droit d’abandonner leur tenue d’apparat, elles doivent l’arborer en toutes circonstances… Elles voleront donc dans leurs belles tenues.

De retour en France, Maryse Hilsz se lance à nouveau à corps perdu dans de nouveaux records (altitude, vitesse, parcours avec un pilote seul à bord…). Aux commandes d’un avion Potez 506, qu’elle a obtenu de haute lutte, elle pulvérise le record féminin d’altitude (toujours inégalé) le 23 juin 1936 en atteignant les 14 310 mètres.

L’aventure a failli s’arrêter là…

Le 19 décembre 1936, dans le Sud de la France, elle se risque à battre le record féminin de vitesse. Un puissant mistral crée de fortes turbulences et rend son avion incontrôlable. Heureusement, elle est éjectée de l’appareil, mais évanouie. Maryse est miraculeusement sauvée par son parachute qui ne s’ouvre qu’à moitié, mais qui amorti sa chute et la maintient à la surface d’un étang, où des pêcheurs la secourent. Elle s’en sort avec plusieurs vertèbres fêlées, des côtes fracturées et une épaule démise qui la clouent au sol plusieurs mois.

Finalement, l’aventure et les péripéties continuent

Remise sur pieds, en décembre 1937, Maryse Hilsz relève un nouveau défi et bat un nouveau record. Elle relie de nouveau Paris à Saïgon et gagne le record international de vitesse (pour un pilote seul à bord) en reliant ces deux villes en moins de quatre jours. Au retour, une panne la contraint à se poser entre Karachi et Bagdad, dans le désert où elle parvient à se maintenir en vie jusqu’à l’arrivée des secours.

À cette période, Maryse Hilsz regrette que la France, depuis une dizaine d’années, néglige son industrie aéronautique. Cela se confirme à l’arrivée au Bourget du Raid Istres- Damas-Paris, les avions français sont battus par des équipages italiens et britanniques. Maryse s’en émeut auprès de Jean Moulin, Chef de Cabinet de Pierre Cot, Ministre de l’Air. Elle exprime son indignation devant le retard de l’aéronautique française.
Le futur fondateur du Conseil National de la Résistance ne peut que subir poliment la colère de l’aviatrice.

Maryse veut attirer l’attention du public sur ce déclin, car selon elle, la France ne cesse de prendre du retard par rapport aux autres grands pays, mais comment faire ?

Dans les turbulences de la guerre

En 1939, elle croise Maryse Bastié (une autre grande aviatrice) à Dakar et lui propose, pour redonner leur fierté aux Français, de créer une croisière impériale qu’elles dirigeraient. Elle a l’idée d’aligner trois avions pilotés par six femmes. Le gouvernement est enthousiasmé par le projet, le devis est accepté mais, au moment-même où elles s’apprêtent à partir pour un raid de vingt mille kilomètres, la guerre éclate, mettant un terme définitif à toute tentative de nouveau record.

En 1939, Maryse Hilsz est réquisitionnée avec trois autres pilotes, Maryse Bastié, Claire Roman et Paulette Bray-Bouquet, pour convoyer des avions vers le front. Le corps féminin est dissous le 1er septembre 1940 avec la débâcle de l’armée française.

Maryse s’installe alors comme modiste à Aix-en-Provence, mais il s’agit en fait d’une couverture pour participer à un réseau de résistance. Elle sera promue capitaine FFI à la Libération.

En 1944, le Ministre de l’Air du gouvernement de la Libération formé par le général de Gaulle, propose de former une escadrille féminine dans l’Armée de l’Air. Maryse Hilsz intègre ce régiment avec Maryse Bastié et Élisabeth Boselli. Maryse est nommée  Lieutenant pour le Groupe de Liaisons Aériennes Militaires (GLAM).

Une catastrophe de trop

Le 30 janvier 1946, aux commandes d’un Siebel 204, Maryse Hilsz décolle du Bourget avec un petit équipage, direction Marignane. Dès le départ, la météo est mauvaise. Notre aviatrice s’accroche au manche de son appareil, mais aux alentours de Lyon, au-dessus de Bourg-en-Bresse, la tempête sévit, et l’avion est pris dans un orage qui lui fait perdre beaucoup d’altitude. Malgré une brève remontée, il explose. Ainsi s’achève les aventures de Maryse.

Avant son inhumation, un hommage militaire lui est rendu dans la cour du Val- de-Grâce le 5 février.

Elle repose au cimetière de Levallois, avec son frère et ses parents (sa mère est demeurée au 99 rue Aristide Briand, jusqu’à sa mort, en 1956, dix ans après sa fille).

Lors de sa séance du 12 février 1948, le Conseil municipal de Levallois rebaptise un tronçon de la rue Lannois en lui donnant le nom de notre aviatrice, et commande, le 14 juin 1954 un monument en sa mémoire au sculpteur Lagriffoul. Depuis 1958, l’œuvre qui représente une aile d’oiseau se dressant vers le ciel, trône fièrement au milieu du parc de la Planchette.

Question indiscrète

Je vous ai parlé de ses aventures et de ses liaisons aériennes… A-t-elle entretenue une liaison amoureuse ?

Au début des années 1930, Maryse Hilsz rencontre André Salel, lui aussi pilote d’exception. Ils ont une relation passionnée, mais ne se marient pas et ne fondent pas de famille, car aucun des deux ne souhaite mettre un terme à sa carrière pour connaitre une vie paisible et sans risque. André, pilote d’essai, meurt dans l’après-midi du 18 juin 1934 avec son mécanicien, en réalisant le 2e vol d’essai du prototype d’un avion de combat. Maryse fait ériger une stèle en mémoire du pilote et de son mécanicien, à l’endroit même où l’avion s’est écrasé, à Chateaufort. Celle-ci est inaugurée un an après, jour pour jour.

Une aventurière hors pair !

Une femme déterminée et intrépide est née et a vécu à Levallois

Elle a mangé de la tortue dans une île de l’océan indien, a volé vêtue de plusieurs couches de pyjamas (mais en soie !), a été remise sur pieds par un marabout à Léopoldville (actuelle Kinshasa), a voyagé à dos d’âne en Iran pour remplir un réservoir d’huile… À Tokyo, elle a offert un baptême de l’air à deux geishas, en costume traditionnel et avec tous leurs atours ! Elle a fréquenté des ministres et Jean Moulin, a reçu chez elle Mermoz, Saint-Exupéry, Léon-Paul Fargue et bien d’autres qui faisaient partie de son groupe d’amis.

Mais elle est surtout une pionnière de l’aviation, pulvérisant différents records. Elle est aussi la première femme à avoir piloté un avion militaire. Elle a participé à la résistance, et s’est enrôlée dans l’armée de l’air.

Oups ! Je n’ai pas mentionné son nom… Je vais vous parler de Maryse Hilsz.

Marie-Antoinette Hilsz nait à Levallois le 7 mars 1901, au 25 rue Victor Hugo où réside sa famille. François Hilsz, son père, d’origine alsacienne, est tonnelier pour le compte du négociant en vins Valette, installé rue du Bois (actuelle rue Jean Jaurès) à Levallois. Sa mère, Eugénie Letourneur, est née à Paris en 1868, et elle exerce le métier de lingère.

Marie-Antoinette est la plus jeune d’une fratrie de trois : Reine née à Paris en 1891, Paul en 1897, et donc, notre future héroïne le 7 mars 1901.

Des chapeaux élégants aux casques en cuir

La famille a déménagé au 99 rue Aristide Briand (anciennement rue Gravel), et en 1911, alors que sa sœur se marie en l’Hôtel de Ville de Levallois, Marie-Antoinette, définitivement surnommée Maryse, semble turbulente. Elle descend volontiers les étages sur les rampes des escaliers en véritable casse-cou qu’elle restera toute sa vie.

En 1921, Maryse est apprentie dans la maison de confection Antoinette à Levallois. Elle y apprend le métier de modiste (fabriquant de chapeaux pour femmes) et se révèle talentueuse. L’élégance la caractérisera tout au long de sa vie. Un autre domaine passionne aussi Maryse : l’aviation.

Levallois est alors une ville où règnent les industries automobile et aéronautique. Des avions sortent des usines de Couzinet, et de Clément-Bayard. Des ateliers, s’échappent le bruit de moteurs à l’essai et l’odeur d’huile, cette ambiance particulière crée des vocations… C’est le cas pour Maryse qui se lie d’amitié avec des passionnés d’aviation et va avec eux sur les terrains admirer les prouesses de voltige et de vitesse.

Le 26 février 1924, elle saute le pas (et pas seulement le pas !) sur une impulsion. Elle se rend sur le terrain de Vincennes où un concours de saut en parachute pour les non-initiés est organisé.  Maryse s’inscrit, et si sa candidature est discutée, la détermination de la jeune femme  arrive à convaincre les organisateurs du meeting. Son inscription surprend tous les assistants, notamment en raison de son allure et de sa frêle silhouette.

On lui explique en quelques mots comment sauter, se diriger et se poser en roulé-boulé.  Contre toute attente, elle remporte le concours en étant celle qui atterrit le plus près de la cible. Son unique expérience était un baptême de l’air six mois auparavant. Elle renouvelle donc cette expérience et finit par pratiquer le saut acrobatique.

Maurice Pinat, alors directeur pour le développement de l’aviation, l’encourage dans la profession. Maryse saute beaucoup (jusqu’à s’abîmer lourdement les pieds !) dans des exhibitions, à 500 francs le saut, pour financer ses cours de pilotage, son salaire de modiste n’y suffisant pas. Notre modiste parachutiste obtient son brevet de pilote en avril 1930, et achète son premier avion, un biplan d’occasion.  Elle devient rapidement une aviatrice hors pair.

Envolée vers la grande aventure

Après avoir effectué des liaisons entre Paris et différentes capitales européennes, Maryse  tente de relier seule, sans mécanicien, Paris à Saigon aller et retour. Elle est la première femme à courir cette aventure. Elle décolle du Bourget le 12 novembre 1930 pour un périple qui lui réservera beaucoup de mésaventures. Météo défavorable à plusieurs reprises, difficultés mécaniques, financières et logistiques, atterrissages de fortune, hélice cassée… C’est lors de son retour, qu’en plein désert, elle va chercher de l’huile à dos d’âne. À son retour, le 7 février 1931, la pilote est reçue triomphalement au Bourget : elle a passionné le public par sa réussite et ses malheurs.

Portrait de Maryse Hilsz, en souvenir de son passage à Rochefort le 29 mars 1938

D’exploits en records

L’année suivante, Maryse accompagnée d’un pilote cette fois, décolle pour relier le Bourget à Madagascar en passant par le Sahara. Elle devient la première pilote à traverser ce désert. Une fois de plus, le raid n’est pas de tout repos : elle fait face à un enchainement de problèmes, et au lieu des 7 jours prévus, elle met un mois pour arriver à destination.

Le retour est pire ! Suite à de nouvelles pannes mécaniques, Maryse et son mécanicien se retrouvent naufragés de l’air sur une ile quasi déserte du canal de Mozambique, l’ile de Juan de Nova. Ils sont nourris par des pêcheurs (c’est là qu’elle mange de la tortue, et des boites de conserves avariées) et tombent tous les deux gravement malades. Ils sont secourus par un navire de la marine nationale (L’Aviso Antarès), et doivent leur salut au médecin de bord.

Ils sont transportés à Madagascar pour y recevoir quelques soins, et de quoi réparer leur avion, et rejoignent leur île. Pas tout à fait rétablie, Maryse repart avec son compagnon d’infortune, mais doit à nouveau faire escale, cette fois à Léopoldville (actuelle Kinshasa).Elle est trop souffrante et connait des accès de fièvre et de migraine trop importants pour reprendre les airs. Un médecin lui rend visite dans sa chambre de l’aérodrome, mais elle continue à perdre du poids et ne se rétablit pas. Une Africaine la prend en pitié et l’entraine voir un sorcier en forêt. De retour en ville, ses migraines ont disparu. Maryse se demandera toujours si sa guérison miraculeuse est due à de l’autosuggestion ou à la magie du marabout. Elle est de retour au Bourget dix jours plus tard.

Adrienne Bolland, autre célèbre aviatrice (à gauche) et Maryse Hilsz (à droite)

Quelques mois plus tard, sur le terrain de Villacoublay, elle s’offre son premier record féminin d’altitude. Elle grimpe jusqu’à 9 791m, emmitouflée d’une drôle de façon !

 Ce jour-là, au sol règne une température caniculaire, mais craignant à juste titre d’avoir froid (elle atteindra les -51°C), elle décide  de ne porter aucun vêtement pouvant entraver la circulation sanguine. Elle empile les uns sur les autres trois pyjamas en soie qu’elle recouvre d’une combinaison en cuir doublée de fourrure. Elle protège ses pieds par deux paires de bas de soie, deux épaisseurs de papier journal, et ne porte pas de chaussure, mais des chaussons eux aussi fourrés.

Ses mains sont recouvertes de gants de laine sous des moufles. Sur la tête, elle porte deux cagoules en soie, deux écharpes de laine autour du cou et un casque en cuir.

L’exploit (et non sa tenue) lui vaut la croix de la Légion d’Honneur.

Elle continuera à réaliser d’autres exploits et à pulvériser d’autres records… Mais vous le saurez dans le prochain épisode !