Alfred Le Petit, un Levalloisien irrévérencieux.

Alfred Le Petit est surtout célèbre pour ses nombreuses caricatures, mais c’était un artiste avec plusieurs cordes à son arc, ou à sa palette devrais-je dire ! Je vous propose de vous plonger dans le milieu de la caricature avant de faire le point sur les multiples talents de ce Levalloisien impertinent.

Caricatures… Dessins humoristiques… Satires…

Le mot caricature vient de l’italien caricatura : charge d’une façon exagérée, lui-même venu du latin carricare : charger, lester un char de poids, et donc par extension en rajouter. Ce mot est en usage en France et en Angleterre depuis le début du XVIII e siècle.

Une caricature est une représentation grotesque, en dessin, en peinture, etc… d’une ou plusieurs personnes, obtenue par l’exagération et la déformation des traits caractéristiques du visage ou des proportions du corps, dans une intention satirique. Ces représentations sont volontairement grotesques, bouffonnes, burlesques, humoristiques, absurdes et portent la volonté de tourner en dérision, de ridiculiser. La caricature est très utilisée par la presse depuis le XIXe siècle.

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Dans leur volonté de communiquer, les caricatures politiques diffèrent des dessins humoristiques car ces derniers représentent des blagues, racontées de manière visuelle pour divertir le public, alors que l’objectif des caricatures politiques, qui utilisent elles aussi l’humour, est de transmettre un message politique.

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Badinguet est le surnom satirique de Napoléon III

Les fonctions de la caricature politique incluent la propagande. La caricature propagandiste cherche à provoquer le public et à l’inciter à s’engager, en insistant sur un point de vue politique, tout en accentuant les divisions dans la société.

La presse charge les caricaturistes d’interpréter les évènements politiques plutôt que d’informer sur la réalité. À travers leurs dessins, les caricaturistes associent des éléments visuels à un message précis. Ils utilisent des figures rhétoriques, comme le jeu de mots, la métaphore, la comparaison et l’allégorie. ( Hé non ! Charlie hebdo n’a rien inventé !)

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À partir de 1881, les caricatures vont prendre une ampleur nouvelle. En effet, la loi du 29 juillet 1881 (nouvelle fenêtre) votée sous la IIIe république, définit les libertés et responsabilités de la presse française. Elle est souvent considérée comme le texte fondateur de la liberté de la presse et de la liberté d’expression en France. Auparavant, la loi exigeait que l’on demande à la « victime » son autorisation manuscrite avant la publication de la caricature (ou charge).

Qui est Monsieur Le Petit ?

Alfred Achille Alexandre Le Petit est né le 8 juin 1841 à Aumale (Seine Maritime). Son père est bijoutier, et sa mère, sans profession. Au cours du XIX e siècle, la photographie étant en plein développement, il entre à 21 ans comme apprenti chez un photographe professionnel à Paris.Alfred Le Petit001

Il s’installera à Levallois dès 1874, rue de Courcelles (actuellement rue du Président Wilson).

Dessinateur et caricaturiste

Après différentes périodes d’apprentissage à Paris, Alfred Le Petit devient élève à l’académie de peinture et de dessins de Rouen. Il développe rapidement son trait et son style si satirique, et se lance dans la caricature. Il dessine pour plusieurs journaux, dont les plus célèbres : Le Grelot, Le Charivari et L’assiette au beurre. Plus que des dessins, il s’agit de caricatures qui reflètent avec son humour caustique et son génie satirique ses idéologies et positions politiques, dans un esprit républicain avancé et très anticlérical.

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Patron de presse

Avec la liberté de la presse, le nombre de titre de presse est à son apogée. Alfred Le Petit (qui utilise aussi les pseudonymes Caporal et LE Grand) fonde une multitude de journaux, à l’existence plus au moins longue. Dès 1867, année de naissance de Levallois, il crée le TAM TAM à Rouen, puis à Paris : La Charge (nouvelle fenêtre) (1870-1871), Le Pétard, Le Sans-culotte et L’Etrille. Ses attaques contre le régime lui valent quelques ennuis, et plusieurs mois d’emprisonnement à la prison politique Sainte-Pélagie. En effet, il doit affronter la censure avec notamment la caricature de Napoléon III en porc contemplant Paris d’un balcon des Tuileries. Une autre de ses cibles préférées est Adolphe Thiers.

Peintre à ses heures perdues

Alfred Le Petit s’essaie à la peinture dès son plus jeune âge. Il va jusqu’à présenter deux peintures au salon officiel. « Le singe malade » et « singe chiffonnier », mais il y sera refusé.

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Cela ne le décourage pas de continuer. L’un de ses plus célèbres tableaux est son auto portrait réalisé en 1893 où il pose fièrement face à un miroir.

Une fin de vie difficile, dépourvue d’humour

Le caricaturiste a perdu de son génie. Pour survivre, il portraiture les touristes au premier étage de la Tour Eiffel. Le soir, il chante dans les cabarets parisiens, mais sa solitude levalloisienne lui pèse (il est veuf depuis 1895).  img061

Entre 1903 et 1905, il séjourne à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de Paris, et rédige un journal illustré de nombreux dessins et croquis. Il y décrit avec minutie sa vie quotidienne, celle des autres malades et les habitudes du lieu. Ces souvenirs, témoignages de la médecine de l’époque, seront publiés plus d’un siècle plus tard, dans un ouvrage intitulé « Je suis Malade, curieux carnets d’un séjour à l’Hôtel-Dieu en 1903-1905″.

Alfred Le Petit décède en novembre 1909 à Levallois à l’âge de 68 ans. Il est inhumé au cimetière de sa commune de naissance, à Aumale. Il est le père d’Alfred Marie, peintre reconnu et de Fernand, qui lui a « fait médecine ».

La reconnaissance institutionnelle arrive en 1919, avec une rétrospective au salon des humoristes, puis en 1931 une exposition au salon d’automne à Paris, et dans sa Normandie natale, au musée de Rouen trois ans plus tard.

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Alfred Le Petit dessiné par lui-même. Sept.1897

Je tenais à remercier la famille Le Petit qui m’autorise à publier les deux autoportraits de leur aïeul.