Rencontre autour d’un ballon ovale à Levallois

Les jeux de ballon ont été de tous temps pratiqués par toutes les civilisations. Le football, sous d’autres formes que celui qui est pratiqué de nos jours, semble être le plus ancien. De ce sport est né le rugby, en Angleterre, à la fin du XIXe siècle, et il viendra jusqu’à Levallois en 1892.

À l’occasion de la coupe du monde de rugby, je vous propose de vous en raconter l’histoire.

Petit tour d’horizon des ancêtres du football et du rugby.

Alors qu’en Chine, au troisième millénaire on joue au « Cuju » (balle de cuir remplie de plumes et de cheveux que l’on doit frapper avec le pied en direction d’un filet, en évitant les attaques de l’équipe adverse), en Amérique du sud, les peuples précolombiens, et plus particulièrement les Mayas, jouent au « Pok ta pok » (balle de caoutchouc que les joueurs doivent faire passer dans un anneau vertical, uniquement à coups de hanches, cuisses, bras et coudes. Il est interdit de toucher la balle avec les pieds ou les mains.

Le « Kernari » se joue au Japon avec un ballon de bambou recouvert de cuir. (Les joueurs se passent la balle sans qu’elle ne touche terre).

Dans l’Antiquité : en Égypte,  en Grèce, à Rome… existent des jeux de balle qui peuvent être considérés comme les ancêtres du Football ou du Rugby. Ainsi, les Romains pratiquent « L’harpastum », qui se joue avec une outre de cuir, bourrée de chiffons, de paille ou de son ( les joueurs, divisés en deux camps, doivent se saisir de l’outre, et la porter dans le camp adverse).

Les légions romaines introduisirent ce jeu en Grande-Bretagne.

En France, du Moyen-Âge jusqu’à la fin du XIXe  siècle, on joue à la « Soule » ou « Choule » en Normandie. Le jeu oppose deux équipes qui se disputent un ballon (boule de bois, vessie de porcs remplie d’air, de paille, de son ou d’autres ingrédients) qu’il faut déposer dans un but (porche d’une église, d’une ruine, d’un mur, d’un arbre, d’un poteau…)

En 1066, Guillaume le Conquérant s’empare de la couronne d’Angleterre et y importe probablement la Soule normando-picarde.

Malgré les interdictions au milieu du XIXe, le jeu perdurera assez fortement, en cachette, essentiellement en Picardie, Normandie et Bretagne. Actuellement, on assiste à une renaissance de ce sport, essentiellement en Normandie. Il est aujourd’hui pratiqué avec des règles précises.

Le rugby voit le jour en Angleterre.

En Angleterre, le football est très populaire : les élèves des couches aisées l’adoptent, encouragés par les professeurs et directeurs des « public schools » (collèges anglais). Ce sport est un excellent moyen d’enseigner aux enfants la loyauté, le partage et la solidarité. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, chaque établissement scolaire a ses propres règles. C’est à ce moment-là les grands débuts d’un sport qui va lui aussi marquer le monde de son empreinte : le Football. À cette époque, il n’en est qu’à ses débuts et ne possède pas encore de règles très précises. La tradition veut qu’il se joue au pied, mais rien ne l’y oblige.

C’est un jour de 1823, alors que les étudiants du Collège de Rugby disputent un match de football, que le jeune William Web Ellis a l’idée de prendre le ballon en main et d’aller le déposer dans les buts adverses. Il n’est sûrement pas le premier à avoir cette idée, mais en tout cas il est le seul à avoir réussi à remporter un certain succès. En effet, si une partie des étudiants sont choqués par ce geste d’Ellis, un grand nombre trouvent de suite l’idée remarquable. Ils décident alors d’inventer leur propre Football, avec leurs propres règles, dont celle autorisant le jeu à la main. Ainsi nait le Rugby Football.

Dès 1846 on trouve les premières traces écrites des règles, un effort de codification imposé par les rencontres entre collèges. Encore nommé « Rugby-Football », ce jeu est souvent dominé par des mêlées interminables, le ballon est porté à la main, même si le jeu au pied reste primordial pour marquer des points.

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En 1863, plusieurs clubs se rallient aux règles de l’université de Cambridge et créent la première fédération de Football Association (FA). Coups et violences sont interdits, tout comme l’usage des mains : rugby et football se séparent définitivement.

Le rugby se développe alors en Angleterre puis se répand dans l’Empire Britannique et un peu partout où les Anglais font du commerce.

Le ballon ovale traverse la Manche jusqu’à Levallois.

« Le stade français » est le premier club français à participer seul à un match de rugby international face au « Rosslyn Park » de Londres. Cette rencontre a lieu au mois d’avril 1892, à Levallois.

Il est à noter que le « Rosslyn Park » est le premier club britannique à traverser la Manche pour venir disputer un match en France.

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Rencontre du Stade Français/Rosslyn Park à Levallois. Journal « l’illustration » avril 1892.

Le club anglais remporte la victoire, mais la défaite des français est honorable. Le match aura duré une heure vingt, en présence de personnalités telles que le premier secrétaire de l’ambassade d’Angleterre, le Vicomte de Janzé, Lady et Lord Dufferin, le baron de Coubertin1892-StadeFrancais-RosslynPark2Les journaux de l’époque nous indiquent que cette rencontre a eu lieu sur la piste du Coursing-Club. Nous sommes, hélas, dans l’incapacité de préciser s’il s’agit en fait du vélodrome, ou de l’hippodrome… Il semblerait tout de même qu’il s’agisse de l’hippodrome.

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Le 26 mars 1894, les deux équipes s’affrontent à nouveau, cette fois à Bécon-les-Bruyères, et c’est une première victoire française face à une équipe « étrangère », avec un score serré de 9 à 8. Le capitaine est alors Louis Dedet.

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Louis Dedet, capitaine de l’équipe du Stade Français
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Rencontre du Stade Français/ Rosslyn Park sur la pelouse de Bécon-les-Bruyères. Journal « l’univers illustré » 31 mars 1894

Nicolas Eugène Levallois, un visionnaire

Cette année 2019 marque le 140e anniversaire du décès de Nicolas Eugène Levallois. À cette occasion, je vous propose de retracer le destin, hors du commun pour l’époque, de cet incroyable visionnaire.

 Une destinée singulière à l’origine de notre commune

 Nicolas-Eugène Levallois naît le 6 octobre 1816 à Paris, faubourg Saint-Honoré. Son père est menuisier, sa mère couturière. Orphelin à 13 ans, il entre en apprentissage chez son oncle, menuisier. De ce métier, il gardera un important réseau de camarades.

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Doté d’un sens inné des affaires et du contact, il devient marchand de vins à Paris en 1841. Grâce à son débit de boissons, il retrouve ses anciens compagnons et agrandit son réseau de relations. Cette même année, il épouse Marie-Justine Cabourg avec laquelle il aura un fils, Philippe-Eugène l’année suivante.

Une opportunité

Nicolas Levallois, sur les conseils de son ami menuisier Fazillau, décide de placer ses économies dans l’achat de terrains. Nicolas Levallois repère ceux d’André Noël, un notaire-propriétaire, qu’il persuade assez facilement de lui confier la vente de ses parcelles. En 1845, Nicolas Levallois commence par acheter lui-même une parcelle de 710 m², puis il incite une dizaine de ses connaissances, tous limonadiers ou artisans du bâtiment, à acquérir à leur tour des terrains proches du sien.

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Aidé par le géomètre Rivet, Nicolas Levallois imagine et dresse les plans d’un futur village, avec son église, sa mairie, des écoles, des activités industrielles en périphérie… et, surtout, cette topographie si spécifique, faite de voies perpendiculaires d’un bout à l’autre du territoire et des constructions en blocs, comme à New York, particularité toujours existante.

Nicolas Levallois construit et ouvre une ginguette, qui devient un lieu de rendez-vous dominical pour les Parisiens. Il y organise des tombolas et des loteries dont les gros lots sont des lopins de terre, offerts à la condition expresse que l’acquéreur s’engage à bâtir dessus.

Moins d’un an après son arrivée, Nicolas Levallois obtient la reconnaissance officielle du Village Levallois par les Conseils municipaux de Clichy et de Neuilly dont le hameau dépend alors administrativement.

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Bureau de Nicolas Eugène Levallois, rue de Courcelles (Président Wilson)

Cette dénomination réclamée par les habitants eux-mêmes va à l’encontre de l’ancien usage qui veut qu’un nouvel hameau porte le nom du lieu où il s’élève. Dans ce cas précis, deux possibilités s’offraient « la vigne aux prêtres » ou « Courcelles ». Dans la première possibilité, il n’y avait plus de vigne ! Et dans la seconde, il existait déjà un village voisin avec cette appellation.

Une énergie à la hauteur de ses ambitions

Nicolas Levallois ne s’arrête pas là. Il déploie toute son énergie à viabiliser les rues grâce au pavage et à l’installation de l’éclairage public. Les travaux sont financés soit directement par les propriétaires fonciers, soit par souscription publique ou en dernier ressort par les finances publiques.

Le village Levallois se développe très rapidement. Cette expansion se traduit par le fait que les habitants ont un désir d’émancipation et d’autonomie. Des pétitions en ce sens sont régulièrement envoyées à l’Empereur Napoléon III.

La commune est créée en 1867 par Napoléon III et baptisée Levallois-Perret, association du nom de son créateur à celui du premier lotisseur de la région, Jean-Jacques Perret.

Une mise à l’écart

Rapidement, l’homme qui a réussi à faire reconnaître l’existence de sa commune et à lui faire attribuer son propre nom, n’y joue plus qu’un rôle mineur. Ancien membre du Conseil Municipal de Clichy, il ne fait pas partie du nouveau Conseil Municipal de sa ville et n’en sera jamais Maire.

Son soutien à l’empereur Napoléon III devient la cause de sa mise à l’écart au moment où la jeune IIIe République cherche à s’imposer.

Pire encore, le Conseil municipal cherche à plusieurs reprises à modifier l’appellation de la commune en la transformant en commune de Courcelles. Mais les tentatives échouent, l’humiliation n’est pas passée loin.

Néanmoins, Nicolas Levallois essaie toujours de s’impliquer dans les affaires publiques de la commune, mais toutes ses propositions sont rejetées, et ses choix antérieurs sont attaqués. Il doit sans cesse se justifier, comme lors des travaux d’élargissement de la rue de Courcelles (rue du Président Wilson).

Pour autant, la population conserve une sympathie pour celui qui a toujours œuvré au développement de leur commune.

Sur un plan plus personnel, Nicolas Levallois affronte le décès de son épouse tant aimée le 24 juillet 1879. Il achète une concession de terrain au cimetière communal afin d’y fonder la sépulture de sa famille.

Après une vie d’engagement au service de sa ville, Nicolas Levallois décède quelques mois après son épouse, le 15 septembre 1879 à son domicile levalloisien du 85 rue Gide (actuellement Parc Collange, rue Paul-Vaillant-Couturier). L’inhumation au cimetière a lieu quelques jours après.

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Sépulture de la famille de Nicolas Levallois

Sa tombe porte cet épitaphe en forme d’hommage : Sa mémoire est dans son œuvre.

À la surprise générale, aucun hommage officiel n’est retranscrit dans les registres du Conseil municipal.

Une reconnaissance tardive

Par délibération du Conseil municipal,   la tombe de Nicolas Levallois est désormais entretenue et cela à jamais, par la Ville, comme celles, notamment, de Gustave Eiffel, Louise Michel, Maurice Ravel, des anciens Maires de Levallois et des Compagnons de la Libération.

Aujourd’hui, dans cette ville qui porte son nom, la plaque du 28 rue Président-Wilson, , rappelle l’existence du bureau de Nicolas Levallois. On peut aussi découvrir son visage sur un mur peint ou encore grâce aux bustes placés dans le Péristyle et la salle du Conseil municipal de l’Hôtel de Ville.

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Nicolas Levallois se trouve en bas à gauche

Août 1944, Levallois libéré !

Il y a 75 ans, Levallois était libéré. Cette libération a eu lieu entre le 19 et le 26 aout 1944. A l’été 1944, les troupes allemandes qui stationnent à Levallois sont estimées à près de 2 000 hommes de troupes et 70 officiers.

Les prémices

Le 13 juin 1944 à 11h45 à la gare de Clichy-Levallois, 5 hommes armés dérobent un camion de la « Standard des pétroles » contenant 2100 litres d’essence.

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En juillet 1944, un comité local clandestin se constitue sous l’appellation « comité local de libération » afin d’organiser des actions pour la libération de la commune. Il est présidé par Léon L’HEUREUX, et une partie de ses membres formeront la délégation spéciale qui administrera la commune jusqu’à élections municipales du 13 mai 1945, le temps de réorganiser la vie publique. Léon L’HEUREUX sera maire du 26 janvier 1945 au 18 mai 1945, succédant ainsi à Jules BLED.

Dans la soirée du 14 juillet 1944, à 23h 10, des explosifs sont déposés dans l’usine Jaeger au 141 rue Jules-Guesde, par 6 hommes armés. On assiste alors à un début d’incendie.

Dès le 17 août 1944, deux groupes de résistants occupent les usines Olida.

Les combats

Les combats pour la libération de Levallois ont commencé le 19 août 1944. L’ambiance est insurrectionnelle. Des sacs de sable, qui étaient placés sur les paliers des immeubles en cas d’incendie, ont été descendus dans la rue par les FFI qui s’en sont servis pour faire des barricades dans Levallois. Ces barricades sont érigées place de Villers (place de la Libération), et rues Anatole France, Louise Michel, Victor Hugo et Aristide Briand.

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Barricades à L’angle des rues Louise MICHEL et Anatole FRANCE

Les objectifs sont doubles : occuper les usines pour sauver l’outil de production et harceler l’ennemi.

Ce jour là, Ali MEZAACH, commerçant et membre d’un groupe F.F.I, est la première victime des combats. Il est abattu par un milicien face au 58, rue Édouard Vaillant.

Toujours le 19 août 1944, deux soldats allemands sont tués et jetés dans la Seine. La résistance occupe l’usine Junkers-Citroën : 68 avions seront sauvés de la destruction pour l’armée française.

Les résistants levalloisiens participent, eux aussi directement, durant cette période aux combats de Neuilly et de Paris. Certains perdent la vie, comme Frédéric MALVEZIN à Neuilly le 20 août ou encore Ernest BERLANCOURT à Paris le 23 août.

Le 24 août 1944 les cloches sonnent. Des tractions avant Citroën circulent dans les rues de Levallois à toute vitesse.  C’est un moment où règne la confusion. Les gens commencent à pavoiser leurs fenêtres de drapeaux tricolores. Le baroud d’honneur de l’aviation allemande et les coups de feu tirés par les miliciens retranchés sur les toits des immeubles retentissent.

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Le 24 août 1944 à midi, Pierre DESSUS, facteur des P.T.T., succombe d’une blessure par balle devant le 113, rue Jean Jaurès suite à un échange de tirs entre les FFI et les Allemands.

Louis GALLIN meurt le 25 août 1944, tué par un obus allemand devant son café « l’Ambassade d’Auvergne », place de Villiers (actuelle place de la Libération). En effet, les FFI attaquent une position allemande défendue par un canon. ATTENTION, la plaque apposée sur la place indique le 24 août 1944. La date du 25 août est celle mentionnée sur l’acte de décès.

Le 25 août 1944, dix groupes de F.F.I. arrivent de Paris et attaquent les forces allemandes de Neuilly (600 hommes de la Wehrmacht et de la Gestapo). Ils s’emparent de la mairie et de la Kommandantur. Le rassemblement des résistants a lieu sur le quai Charles PASQUA (Plaque apposée à la passerelle Ernest Cognacq).

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Dès le lendemain de la Libération, le 26 août, une collecte est organisée par les levalloisiens pour acheter un half-track (autochenille blindée) aux spahis de la Division Leclerc.